CDD : La cour de cassation facilite les actions en requalification

, par Christelle MARTIN

Un employeur ne peut recourir au contrat à durée déterminée (CDD) que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas prévus par le Code du travail (articles L.1242-2 et L.1242-3).

Le CDD ne peut en aucun cas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif. Lorsqu’il est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié absent, le CDD doit indiquer le nom et la qualification de la personne remplacée, mais il n’a pas à préciser le motif de l’absence.

Tout CDD conclu en méconnaissance de ces règles doit être requalifié en CDI (contrat à durée indéterminée).

Dans sa décision du 15 septembre 2010, la Cour de cassation affirme, pour la première fois et d’une façon très claire, qu’« en cas de litige sur le motif de recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée » (Cass. soc., 15 septembre 2010, n°09-40473, PBR). Cette solution avait été autrefois dégagée pour les contrats d’intérim (Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-44843).

En l’espèce, un salarié avait enchaîné douze CDD entre décembre 2001 et octobre 2002. Ces CDD avaient été conclus pour faire face au remplacement de divers salariés absents pour congés annuels ou congé maladie. Mettant en cause l’exactitude des motifs de recours figurant sur les contrats, le salarié demandait la requalification de ses douze CDD en CDI.

La cour d’appel de Paris avait refusé de faire droit à cette demande, prétextant que l’article L.1242-2 du Code du travail n’imposait nullement à l’employeur de mentionner dans les contrats le motif de l’absence du salarié remplacé. Les contrats mentionnant les noms et la qualification des personnes remplacées, les juges d’appel avaient considéré que l’employeur avait rempli ses obligations légales. Ils notaient au demeurant que le salarié n’avait fourni aux juges aucun élément sur le caractère mensonger des absences.

Le salarié s’était alors pourvu en cassation contre cette décision. Il considérait que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en mettant à sa charge la preuve de la réalité du motif de recours utilisé par son employeur. Le salarié avait sommé son employeur de communiquer les éléments justifiant les absences des salariés prétendument remplacés. À aucun moment, celui-ci n’avait daigné répondre à cette sommation. Au surplus, les juges s’étaient contentés d’un examen purement formel des contrats litigieux, sans vérifier, comme ils y étaient invités, au besoin en recourant à des mesures d’instruction, la réalité des absences des salariés remplacés.

La Cour de cassation, recueillant favorablement les arguments du salarié, casse l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 1315 du Code civil, et des articles L.1242-2 et L.1245-1 du Code du travail. Le CDD étant dérogatoire au droit commun, il appartenait à l’employeur de justifier la réalité du motif de recours utilisé. Si l’employeur n’est pas tenu de faire figurer dans le contrat le motif de l’absence, et la Haute Cour semble le confirmer, il doit, en cas de litige, prouver la réalité du motif énoncé dans le CDD. Cette preuve peut se faire par tous moyens et notamment par la fourniture des arrêts maladie ou des dates des congés des salariés dans l’entreprise.