Évolution professionnelle des cadres, quelles attentes ?

, par Christelle MARTIN

Interview d’Alain Pichon, Sociologue

La course à la carrière ne définit plus les cadres aujourd’hui. Plus qu’une contrepartie financière, ils recherchent avant tout un meilleur équilibre vie privée / vie professionnelle. Le sociologue Alain Pichon nous apporte son éclairage sur les nouvelles attentes des cadres.

Aujourd’hui, les interrogations relatives aux attentes des cadres en matière d’évolution professionnelle se réactivent. On les questionne sur leurs souhaits, leurs perspectives et leurs ambitions professionnelles dans le contexte de crise. Certaines attentes ne concernent pas des conditions d’emploi et de travail inédites, mais exprime plutôt la crainte d’une remise en cause du statut, de l’identité professionnelle et de leur rapport à l’entreprise.

Ainsi, avec l’explosion du chômage qui désormais les touche, la sécurité d’emploi devient une préoccupation majeure. Les jeunes, pourtant bien formés, peinent à trouver un travail à la mesure de leur formation. Les quadras s’interrogent sur la pérennité de leur situation. Les seniors craignent de partir plus tôt que prévu. L’autonomie, la capacité d’initiative, l’ambiance et l’intérêt du travail nourri par la variété des activités constituent un second ensemble d’attentes en matière d’évolution professionnelle. Hier au cœur de la relation d’emploi de la catégorie, ces attentes sont aujourd’hui menacées et se réaniment face à des organisations gestionnaires de plus en plus prescriptives, inquisitrices et coercitives.

L’information enfin pose problème. La qualité informationnelle des entreprises à l’adresse de leurs salariés se dégrade. Les cadres peinent à voir où se dirige leur entreprise. Dans ce contexte, difficile de se projeter dans une entreprise dont l’orientation et la stratégie est de l’ordre de l’inconnue.

À côté de ces thèmes, expression d’une crise collective, d’autres attentes expriment une forme de retrait au statut. Il s’agit des attentes en termes de rémunération et de carrière professionnelle qui ont été longtemps caractéristique de la catégorie. Comparativement aux autres catégories de salariés, les cadres sont mieux rémunérés et ils le reconnaissent. En même temps, aujourd’hui, nombre d’entre eux, ne font plus la course au « travailler plus pour gagner plus ». Les femmes, les jeunes, les experts en particulier, sollicitent plutôt une stabilisation salariale en contrepartie d’une coexistence vie professionnelle – vie personnelle plus facile. Une forme de retrait d’implication s’esquisse.

En prolongement, la course à la carrière décline. Certains experts pourraient aspirer légitimement à devenir managers. Certains managers pourraient viser plus haut. Et pourtant, nombreux sont ceux qui avancent à reculons ou, plus encore, déclinent cette perspective. À cela une raison au moins. Dans la situation actuelle des entreprises, pas facile d’être placé « entre le marteau et l’enclume » et encore moins de jouer les « Icare » dans un ciel tourmenté par la compétition et où l’air de raréfie… Initialement considérée comme l’idéal-type de la catégorie et comme un Eldorado légitime, en contexte de crise, la position du manager perd de sa sublime.