Réorganisation de l’accueil Le dernier courrier de FO ADP sur le projet "Bienvenue à Paris"

, par Christelle MARTIN

Objet : réorganisation de l’accueil d’Aéroports de Paris

Monsieur,

Notre organisation syndicale a été à l’initiative de la création de la filière de professionnalisation "agent commercial, agent commercial principal, coordonnateur commercial" laquelle a permis par la voie contractuelle, l’évolution professionnelle des agents commerciaux en maîtrise et des agents de maîtrise (CPA) en chef de groupe aérogare (CCO).

Ainsi, en 2006, alors que le COMEX s’orientait sur l’externalisation de l’activité, notre organisation syndicale a convaincu le PDG et le DG de l’enjeu central de l’accueil des clients sur les aéroports. Le dossier relatif aux missions de l’accueil clients et à l’évolution du métier d’agent commercial de 2007 avait pour objectif initial d’analyser de manière exhaustive les missions, de soumettre des propositions concrètes en terme d’offres de service client, d’effectifs et de parcours professionnels. La méthode pour conduire à bien ce dossier a reposé sur la concertation avec les acteurs de l’entreprise.

La concertation conduite sur une année avec les agents commerciaux et CPA, ainsi que les échanges avec les organisations syndicales d’une part et l’observatoire du stress en milieu professionnel d’autre part, ont permis de faire ressortir des éléments essentiels à intégrer dans la conduite du changement : la nécessité de renforcer et de soutenir l’initiative, d’organiser la circulation de l’information, d’améliorer les infrastructures de travail et de moderniser les outils de communication et d’information, de proposer des formations ou stages adaptés et de se doter des moyens humains nécessaires à la qualité de l’accueil voulue. En 2007, 300 agents commerciaux et CPA/CC informaient quotidiennement les passagers de nos aéroports aux comptoirs informations et les renseignaient, en mobilité, sur leurs parcours lors de grand flux ou situations exceptionnelles au départ comme à l’arrivée, leur venaient en aide sur les circuits de correspondances où à l’arrivée de gros porteurs.

La direction avait alors réalisé que le temps et la qualité du parcours au sol comptaient désormais tout autant que le temps et la qualité des services offerts par les compagnies aériennes aux passagers. A l’époque, plus de 80 millions de passagers fréquentaient nos aéroports au départ et à l’arrivée. Suite à une enquête sur un échantillonnage représentatif, la direction avait constaté que leurs attentes et leurs besoins avaient évolué, qu’ils soient voyageurs fréquents ou occasionnels. Ils appréciaient que leur parcours soit synonyme de facilité, rapidité, fluidité, qualité. Effectivement, pour une très large part, les clients se fondaient sur la qualité d’accueil de l’aéroport pour apprécier leur voyage et l’aéroport lui-même. Dans un contexte devenu plus contraignant pour les passagers aériens, la direction avait réalisé que ceux-ci étaient de plus en plus attentifs à la dimension humaine du service offert. Les missions d’informations délivrées par téléphone et de manière statique aux comptoirs ne répondaient qu’en partie aux attentes de nos clients. La direction avait donc décidé de les compléter de missions dynamiques en mobilité pour accueillir, informer, venir en aide, réassurer, rendre le parcours des clients fluide et agréable, ce qui supposait de s’adapter aux flux et de résoudre les dysfonctionnements en toutes circonstances.

Pour notre PDG et DG de l’époque, le cœur de métier de l’accueil d’Aéroports de Paris était clairement constitué de l’information, et de l’accueil dans les terminaux au départ, à l’arrivée et en correspondance, de la prévenance à l’égard des clients en tenant compte de leurs spécificités et de l’organisation des flux. Les missions d’accueil se décomposaient alors en missions de "front line" et de "back office".

L’objectif de la réorganisation négociée de 2008 était de porter de l’intérêt aux passagers et aux clients, dont les personnes handicapées et à mobilité réduite, afin de faciliter le parcours et le rendre agréable, tout en nous assurant de la qualité de nos installations et de nos services en temps réel. Ainsi, la responsabilité de traiter tout dysfonctionnement réparable immédiatement ou de le signaler pour action fut transférée aux équipes en charge de l’accueil clients. Afin d’augmenter la capacité à voir ce qui se passait sur un territoire et à alerter le PCI pour remédier aux anomalies le cas échéant, le doublement de l’effectif des agents commerciaux et des CPA/CC sur les terminaux fut acté dans le dossier de réorganisation.

Les missions devaient être "territorialisées" à l’initiative des unités opérationnelles, lesquelles devaient tenir compte de leurs spécificités. En charge d’une zone donnée, l’équipe devait s’assurer que tout y était parfait : qualité de l’information, organisation des flux, fluidité, propreté, fonctionnement des équipements. Elle devait faire appel autant que nécessaire aux équipes du terminal qui concourent à l’atteinte de cette performance.

Il avait donc été décidé de la constitution, en temps réel, d’une équipe dédiée à l’accueil dans le cadre d’un espace défini (temps/lieu), sous l’impulsion d’un CPA/CC qui devenait l’animateur de l’équipe en charge de l’Accueil dans le terminal. Cette organisation du travail offrait l’avantage :
 pour les agents commerciaux : de bénéficier d’un management de proximité et d’aide notamment lors de la gestion de situations difficiles.
 pour les chefs aérogares et responsables opérationnels : d’être plus disponible pour assurer les missions d’articulation avec les clients et partenaires. Tenant compte de sa responsabilité, le CPA/CC évoluait sur la qualification "chef de groupe aérogare".

La réorganisation de 2008 a été mise en place en ce qui concerne la professionnalisation des agents commerciaux et des CCO avec les formations prévues liées notamment à la relation client, l’évolution des modes de travail et la territorialité. L’effectif des CCO a été porté de 87 à 139 salariés conformément au dossier du Comité d’Entreprise. Mais l’effectif d’agents commerciaux composé de 237 agents en 2006 et qui devait être porté à 385 agents par la création de 148 postes pour les nouvelles missions en mobilité n’a pas été mis en place. Dès 2009, les départs n’ont plus été remplacés portant l’effectif des agents commerciaux en 10 ans à 180 ETP (au 25/10/17) malgré l’augmentation significative du trafic et l’ouverture de nouvelles installations.

Pour notre organisation syndicale, le projet "Bienvenue à Paris" est purement et simplement l’externalisation du métier d’agent commercial vers la sous-traitance et le transfert des missions des coordonnateurs qualité de service (QDS) sur les CCO. Il s’agit de la suppression de deux métiers de l’entreprise, les agents commerciaux et les QDS. D’ailleurs, l’effectif prévu pour couvrir le besoin opérationnel du nouveau métier de coordonnateur service clients (CSC) dont la fiche de fonction est très proche de celle des CCO correspond à l’effectif qui avait été défini dans le dossier de 2008 pour les CCO avec la mise en place de la territorialité ! Il ne s’agit donc pas d’une réorganisation mais de l’externalisation des missions d’exécution vers la sous-traitance telle que souhaitée par les directeurs plateforme dans les années 2005.

L’entreprise fait par ailleurs le choix de supprimer le métier de coordonnateur commercial (CCO) en créant le nouveau métier de coordonnateur service client (CSC) alors qu’il aurait été possible de faire évoluer la fiche de fonction des CCO en y intégrant les missions des QDS. Cette opération permet ainsi à l’entreprise de se débarrasser des CCO ayant des restrictions médicales lesquels seront déclarés inaptes au nouveau poste. Cette opération permet aussi de mettre en place une nouvelle équipe en écartant certains CCO en poste tout en appliquant une grille de rémunération moins favorable (251-259 contre 253-259).

Comme vous le savez, notre organisation syndicale est également signataire de l’accord emploi, formation, génération. Nous sommes très attachés aux qualifications et à la cohérence des grilles de rémunération entre les différentes filières. Nous ne sommes donc pas favorables à la création d’une nouvelle grille de rémunération "batarde" n’existant pas au statut et qui est un mixte de la grille de coordonnateur et de chef de groupe.

Par ailleurs, notre syndicat est signataire de l’accord Egalité Professionnelle FH. Depuis des décennies, nous dénonçons les différences de traitement entre les filières majoritairement masculines et les filières majoritairement féminines. Ainsi, pour la filière technique, il y a concordance entre le niveau de diplôme et la qualification professionnelle (CAP/BEP:exécution ; Bac Pro : maîtrise ; Bac+2 : Haute maîtrise). A l’inverse, pour la filière secrétariat ou commercial, les secrétaires comme les agents commerciaux sont recrutées en exécution avec un BTS !

La suppression des CCO aboutit à la disparition dans la catégorie groupe "maîtrise" de la grille de rémunération des chefs de groupe aérogare. Il ne restera plus sur cette grille de rémunération que les régisseurs de zone et les chefs d’atelier (dont la grille commence par ailleurs à 254), ce qui n’améliorera pas le bilan égalité professionnelle de l’entreprise.

Or, dans le dossier "BAP", l’entreprise indique vouloir décloisonner les métiers et les ouvrir vers plus d’opportunités de parcours professionnels. Ce n’est pas en retirant les missions de management et d’encadrement d’un groupe de travail, ni en les positionnant sur une grille de rémunération inférieure, en ne maintenant pas les qualifications à titre personnel (comme cela a toujours été le cas dans l’entreprise dans le cadre des réorganisations) qu’on ouvre les opportunités de parcours professionnels ! A l’exploitation, toutes les fonctions hiérarchiques en haute maîtrise (chef aérogare, responsable sureté, sécurité incendie et responsable d’exploitation de permanence) sont toutes tournées vers le management des équipes opérationnelles. Jusqu’à aujourd’hui, les CCO pouvaient évoluer comme chef aérogare grâce à leur expérience d’encadrement de proximité et d’animation de l’équipe d’agents commerciaux. A l’inverse, rares sont les QDS qui ont pu évoluer comme chef aérogare ! Nous émettons donc beaucoup de doutes sur les opportunités de parcours qui se présenteront aux CSC par rapport à celles dont bénéficient les CCO d’aujourd’hui.

Pourtant, il est tout à fait possible pour l’entreprise de faire évoluer les missions du CSC afin que la pesée de poste aboutisse a minima à la grille de rémunération de chef de groupe aérogare laquelle pourrait alors être renommée chef de groupe satisfaction clients. Si le coordonnateur service clients a réellement vocation à être responsable du pilotage d’un territoire, de la coordination de son écosystème d’acteurs et de process, et du bon fonctionnement, fluide et efficace, en bonne interaction avec les autres territoires ; le CSC pourrait être par exemple le référent de la direction clients en charge de toute la politique de satisfaction clients.

Il est également possible pour l’entreprise de mettre en place une véritable hiérarchie opérationnelle en haute maîtrise en charge des équipes de CSC et CMA, en parallèle des chef aérogare pour l’exploitation, des responsables sureté et des SSIAP3 pour la sécurité afin de permettre le développement de véritables parcours professionnels tout en ayant une organisation par filière d’activité équivalente. Ainsi les CCO auraient à l’identique des agents commerciaux et QDS, des possibilités de reclassement correspondant à leur grille de rémunération actuelle sans déqualification voir même avec une promotion.

En l’état, le projet de réorganisation de l’activité, le peu d’avancée dans l’intérêt des salariés concernés mais également de nos clients et donc de l’entreprise, ne font que conforter notre organisation syndicale sur l’objectif réel de la direction. Pour FO, ce projet semble être tourné uniquement sur la sous-traitance des missions d’exécution, la mutualisation et la polyvalence des missions ainsi que sur la suppression de postes afin de respecter les injonctions de l’Etat dans le CRE3 et les appétits de nos actionnaires. A l’inverse, l’entreprise aurait pu faire le choix de faire de l’accueil et de la satisfaction, la priorité stratégique de l’entreprise en développant une véritable filière "satisfaction client", avec une véritable hiérarchie opérationnelle au sein de la DGO et de l’exploitation. Cette filière aurait été le référent direct de la direction clients. Peut-être n’est-il pas encore trop tard pour l’entreprise de modifier son projet de réorganisation en le rendant réellement ambitieux avec une solution de positionnement pour tous les salariés, qu’ils soient agents commerciaux, CCO ou QDS, et avec pour seul objectif que les passagers choisissent Paris Aéroports plutôt que nos concurrents, pour son niveau d’excellence en terme d’accueil et de qualité de service.

Salutations distinguées.

Christelle MARTIN Secrétaire du syndicat

Le courrier en PDF