Que contient la loi d’habilitation contre le code du travail ?

, par Christelle MARTIN

Avec la loi d’habilitation, le gouvernement entend passer à la hussarde, par la procédure des ordonnances, pour « réformer » le code du travail. Les visées de ce projet ne sont que la transposition des revendications du MEDEF. C’est Pierre GATTAZ qui déclarait il y a peu qu’il « était sur un petit nuage » Les dispositions que s’apprête à prendre le gouvernement portent toutes le sceau de l’orientation qui était déjà contenue dans la loi El Khomri, inverser la hiérarchie des normes, produire du « droit local » et toujours à l’initiative de l’employeur. Tout devrait y passer !

La loi n’est pas encore adoptée, mais il est à craindre que le projet final ne soit pas très différent de celui présenté au Parlement et dont nous exposons ci-dessous quelques analyses et commentaires.

Article 1 : La négociation à la carte dans les entreprises

« Attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise en élargissant ses champs de compétence ».

Contrat de travail, durée de travail, santé et sécurité, salaires et emploi... seront désormais au menu des négociations, entreprise par entreprise, et pourraient déroger au Code du travail et aux accords de branche et conventions collectives. Dans tous ces domaines, les accords d’entreprise pourraient, et ce serait la volonté de tous les patrons, être en–dessous des accords collectifs. C’est cela le contenu de « l’inversion de la hiérarchie des normes » !

Article 2 : la fusion des mandats étendant la délégation unique

« Fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHS-CT (…) limiter le nombre maximum de mandats des membres de l’instance ainsi que le recours à une expertise. »

En clair, il s’agit de créer une fonction unique de responsable syndical, qui passerait la plus grande partie de son temps avec les experts de la direction, il serait donc seul face à celle-ci et de plus en plus éloigné des salariés qui le mandatent.

D’ailleurs l’alinéa 3 de cet article 2 précise « Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières ». Ce n’est plus tout à fait la valeur première d’un représentant syndical dont la mission est de défendre les intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels des salariés. Il s’agit plus d’une structure d’accompagnement des décisions du patron !

D’ailleurs la presse indique que : « Depuis de longues années, le Medef a demandé d’autoriser la négociation avec des élus sans étiquette. » Est-il besoin de commenter ? Le MEDEF rêve depuis toujours d’avoir à sa disposition un « syndicat maison ». Un « représentant du personnel » new-look qui représenterait en fait la volonté de l’employeur !

Ce ne serait plus le syndicat es-qualité qui négocierait ! C’est l’existence du syndicat, qui plus est un syndicat libre et indépendant, qui est menacée. Et si cela ne suffit pas, l’employeur pourrait organiser un referendum d’entreprise pour passer par-dessus les oppositions ou réticences et imposer ses vues.

Article 3 : le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, extension du contrat de chantier.

Si, malgré toutes ses embûches, le salarié avait toujours de velléités d’aller aux prud’hommes, alors il est prévu de fixer « des planchers et des plafonds des dommages et intérêts fixés par ce même code pour sanctionner ». Et enfin pour ceux qui ne seraient pas découragés, l’alinéa 6 prévoit de réduire « les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail ».

Plus grave encore, une nouvelle disposition non annoncée au préalable fait son apparition dans le texte soumis au Parlement. Il s’agit de l’extension du contrat dit de chantier. Cette disposition qui existait déjà dans le secteur du bâtiment et des sociétés d’études serait largement étendue. De quoi s’agit-il. On signe un CDI, mais borné dans le temps, ce qui revient très exactement à un CDD. On est embauché pour un projet, pour 6 mois, 1 an voire 2, puis le contrat arrive à son terme, en même temps que le projet. On n’a même pas à être licencié, le contrat s’achève, un point c’est tout !

Article 4 : favoriser la possibilité pour l’employeur de faire valoir son opposition à l’extension de l’accord de branche … s’il en reste un.

Article 5 : revenir sur les critères de pénibilité.

Le port de charges lourdes, le travail sur des machines vibrantes (marteau piqueur, …), le contact des produits chimiques ne seraient plus considérés comme des facteurs de pénibilité. Autant dire que, dès lors, rien ne pourrait être considéré comme pénible.

Article 7 : l’extension du travail du dimanche et de nuit

Cet article a pour but de proroger les dispositions transitoires prévues dans la loi Macron du 6 août 2015, notamment en matière de travail du dimanche, de nuit, mais également de d’Uberisation des transports en commun.

Article 9 : report du prélèvement à la source

Cette réforme est un vrai danger pour l’impôt progressif et les cotisations sociales. Ce report, pour des raisons soi-disant techniques, est en réalité destiné à réaliser la fusion de l’IR et de la CSG et le transfert de toutes les cotisations sociales sur l’impôt. C’est la disparition et le vol pur et simple du salaire différé.

Pour FO ADP, face à cette avalanche d’annonces, et en l’attente des textes définitifs il convient de rappeler nos revendications :

• Non aux ordonnances, • Non à la casse du code du travail, • Maintien de la liberté de négociation, • Non à la fusion Impôt sur le Revenu / CSG

Si le gouvernement maintenait ses visées, franchissait « les lignes rouges » selon l’expression consacrée, alors avec FO, les salariés seraient en droit de revendiquer l’abandon et le retrait de toutes les mesures. Nous resterons donc vigilants durant tout l’été. Régulièrement, FO s’engage à informer les salariés de l’état d’avancement des « discussions » et annonces gouvernementales.

Le tract en PDF