Liberté fondamentale Peut-on utiliser la biométrie pour contrôler les horaires de travail ?

, par Christelle MARTIN

L’utilisation de la biométrie dans le milieu du travail est strictement encadrée par la Cnil. Celle-ci édite d’ailleurs, à destination des employeurs et des salariés, un guide très instructif dressant les règles en la matière (Guide Cnil pour les employeurs et les salariés, fiche n°12, disponible sur www.cnil.fr).

Concernant la question spécifique de l’utilisation de la biométrie à des fins de contrôle des horaires de travail, la Cnil reconnaissait jusqu’à maintenant qu’un dispositif reposant sur la reconnaissance du contour de la main puisse servir à gérer les horaires de travail (Délib. CNIL n°2006-101 du 27 avril 2006, JO 16 juin). S’agissant des dispositifs reposant sur l’empreinte digitale (exclusivement enregistrée sur un support individuel) ou le réseau veineux des doigts de la main, la Cnil a toujours refusé qu’ils puissent être utilisés pour contrôler les horaires des employés.

Force Ouvrière s’est constamment montré hostile à l’utilisation de la biométrie aux fins de contrôle des horaires de travail. Pour nous, la biométrie mettant en cause le corps humain et portant ainsi atteinte aux libertés individuelles ne peut se justifier que lorsqu’elle a une finalité sécuritaire ou protectrice de l’activité exercée (voir en ce sens TGI Paris, 1er ch., Sect. soc., 19 avril 2005, n°05-00382, commenté dans InFOjuridiques n°50, juin 2005).

Le contrôle des horaires de travail ne justifie pas, selon nous, la mise en place d’un système biométrique. Un dispositif biométrique, quel qu’il soit, destiné à contrôler les horaires de travail nous apparaît illicite dans la mesure où il porte une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles. Lorsqu’il s’agit de simple gestion, un classique système de badge doit suffire. L’entreprise qui craint la fraude n’a qu’à régler cette difficulté par un encadrement plus dissuasif.

Comme indiqué plus haut, cette position n’était pas celle, jusqu’à aujourd’hui, de la Cnil. Par une délibération du 20 septembre 2012, la Cnil est revenue sur sa position entendant les remarques que Force Ouvrière avait pu lui formuler lors d’une audition sur cette question (Délibération Cnil n°2012-322, JO 12 octobre). Comme le relève la Cnil, un consensus s’est clairement exprimé lors des différentes auditions qu’elle a pu avoir avec les organisations syndicales pour considérer comme disproportionnée l’utilisation de la biométrie aux fins de contrôle des horaires.

Dès lors, la Cnil a décidé de modifier l’autorisation unique AU-007 en ce qu’elle autorisait l’utilisation du contour de la main aux fins de gestion des horaires : « Désormais, aucune autorisation unique ne permet de contrôler les horaires de travail par un dispositif biométrique. »

Attention, la Cnil prévoit des mesures transitoires. Les entreprises qui recourent déjà au dispositif reposant sur la reconnaissance du contour de la main pour contrôler les horaires de travail et qui ont effectué un engagement de conformité avant la publication de cette nouvelle délibération pourront continuer de l’utiliser pendant une période de cinq ans. Passé ce délai, les entreprises devront cesser de recourir à la fonctionnalité biométrique pour contrôler les horaires de travail.

Le fait d’installer un dispositif biométrique pour d’autres finalités que celles couvertes par l’autorisation unique AU-007 devra donner lieu à des demandes d’autorisation spécifiques, qui seront examinées au cas par cas par la Cnil.

À noter que s’ils ne peuvent plus servir à contrôler les horaires de travail, les dispositifs reposant sur la reconnaissance du contour de la main peuvent toujours être utilisés pour contrôler l’accès à des locaux ou gérer la restauration sur les lieux de travail.